Les manifestations au Brésil et la dispute pour leurs significations
L’insatisfaction de la population a eu comme étincelle l’augmentation des prix des transports publics et a atteint divers secteurs de la société qui sont venus appuyer la cause. Les premières manifestations de 2013 ont eu lieu à Porto Alegre. Les manifestations suivantes gagnant toujours plus d’adhésion, la mairie s’est vue forcée par une décision de justice de révoquer l’augmentation des prix des bus.
Face à l’adhésion gigantesque de la population, les protestations se sont étendues sur tout le pays et une grande partie de la population a revendiqué que le mouvement aborde d’autres thématiques. Le consensus autour de la situation chaotique du transport public a canalisé une insatisfaction populaire générale liée parallèlement au niveau de qualité des services offerts dans les secteurs de la santé ou de l’éducation primaire. Cette situation coexiste avec les forts investissements dirigés vers la construction des stades en vue de la Coupe du Monde de 2014.
Le fait est qu’une grande partie de la population ne se sent pas représentée par les partis politiques actuels. Les manifestants rejetant les drapeaux des partis politiques lors des manifestations, parmi lesquels ceux des plus petits partis de gauche, ont fait que certains spécialistes analysent que le paradigme du système politique représentatif est en crise. Quoi qu’il en soit, il semble évident qu‘il existe un rejet d’un grand pan de la société, particulièrement de la classe moyenne, envers les partis politiques actuels. Cela se vérifie par l’absence de projet alternatif venant des opposants au gouvernement et de leurs leaders, susceptible de satisfaire une grande partie de la population mécontente. Alors que l’actuel ton de conciliation entre les plus grands partis donne l’impression pour beaucoup qu’il n’existe plus de différence entre la gauche et la droite, la population se divise sur des causes qu’elle juge nécessaire de défendre.
Les médias et les élites tentent de profiter de cette division. Des secteurs de la gauche accusent la droite, et particulièrement les médias, de vouloir “adopter” le mouvement pour le détourner. Ce risque est réel. Mais même la presse la plus conservatrice n’a pas réussi à détourner la légitimité du mouvement. Cette presse, qui qualifiait les manifestants de “vandales” qui perturbaient la circulation et menaient les villes au chaos, a dû revoir ses postures, affirmant que le “géant s’est réveillé”, allant jusqu’à proposer des revendications. Certains journalistes en sont même venus à faire des excuses.
Ainsi, nous notons un consensus sur l’importance du mouvement politique, dans un pays où la majeure partie de la population se limite à une action politique dans les urnes et à des échanges sur les réseaux sociaux. Il est important de remarquer que l’action politique partisane et les mouvements sociaux n’ont jamais cessé d’exister au Brésil, mais il est indéniable qu’après l’arrivée de l’actuel gouvernement au pouvoir, ils ont perdu de leur visibilité. Il existe, donc, un mécontentement contre les principaux partis politiques. Bien que les manifestants aient de nombreuses et diverses demandes, le mouvement a assurément une racine de gauche. Moins de conciliation, mais plus de droits, est ce qui est demandé dans les rues.
Teresa C. S. Marques gribresil.org