La marche des migrants du monde exploité, pour un mouvement social alternatif – extrait
Publié le 2021-10-07 | lenouvelliste.com
[...] Haïti est devenue une société de migrants sous le coup de la globalisation capitaliste à ses deux principales phases de 1870 et de 1970 au cours desquelles les pays du centre se sont convertis en récepteurs des « indésirables immigrants bienvenus ». La crise partante des processus de globalisation a donc recouru à la doctrine de sécurité nationale, au militarisme et aux méthodes de contrôle de population, ce, pour garantir de meilleurs dividendes des satellites assujettis au fascisme qui renforce l’exploitation des travailleurs au prix d’une accumulation sauvage de capitaux. L’accumulation en question se fait au moyen de concentration de capitaux et de monopoles tout en promouvant le militarisme et l’exercice de formes autoritaristes de pouvoir.
La première phase de la globalisation partie de 1870 s’est soldée par une intervention militaire des États-Unis en Haïti qui a provoqué la migration forcée de centaines de milliers de paysans vers des pôles capitalistes de la périphérie (Cuba, République dominicaine et Panama) comme main-d’oeuvre quasi servile. La migration a servi de moyen de déstabilisation des paysans dans leur lutte d’émancipation et de résistance face à l’occupation.
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La deuxième phase de la globalisation capitaliste néolibérale des années 1970 s’est culminée au Traité de libre commerce nord-américain (NAFTA/ALENA) , appelé Plan Bush dont la réponse fut le mouvement social de Chiapas prometteur alors pour les masses de travailleurs migrants des périphéries. Dans le cas haïtien, les stratégies autoritaires sont encore à l’horizon et les mouvements migratoires ont de plus en plus d’ampleur dans la région notamment aussi bien qu’aux autres centres d’influence capitaliste de l’Afrique et de l’Asie.
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La situation migratoire d’automne 2021 n’a pas connu un traitement différencié. C’est le refoulement sans ambages et en dehors des prescrits des droits humains et sous la foulée de l’empire de gangs armés dans les quartiers populaires et quelques villes de province. Le représentant des États-Unis Daniel Foote dans la crise politique post-7 juillet 2021 a dû démissionner face au relâchement de l’administration Biden devant la situation de banditisme sévissant en Haïti à peine frappée par un sévère séisme de 7.2 de magnitude sur l’échelle de Richter. [...]
La leçon à tirer est la relation paradoxale entre migration-projet néolibéral et autoritarismes, dans ses formes les plus barbares telles sont les pratiques des escadrons de la mort en Haïti au profit du maintien du projet néolibéral d’un Etat prédateur. Entre temps la migration s’est transformée en mouvement social en lieu et place d’un processus de déstabilisation des résistances populaires. Le principe de changement, l’unité et l’identité dans le groupe et l’opposition à l’encontre de l’État prédateur sont des facteurs latents qui peuvent enclencher un élan consistant de mobilisation. L’université joue un rôle crucial dans ce processus et cette quête de bien-être de la population des jeunes. Les expériences des architectes, des médecins à pieds nus, et ceux d’autres professionnels devraient dicter des voies de libération nationale en guise de l’émancipation des jeunes travailleurs par le biais du vaste mouvement social, « la marche des migrants du monde exploité ».
Hancy PIERRE, professeur travail social et migration, Université d’État d’Haïti et University of Findlay, Ohio, USA
