CHANGER LE CORPS ET SOIGNER L’ÂME
Depuis Freud, arrivé sur la scène au même moment que la chirurgie esthétique, on savait que la beauté venait de l’intérieur. Nous pouvons désormais soigner l’âme en changeant le corps; c’est en tout cas notre nouveau credo.
Nous avons le sentiment, aujourd’hui, que nous pouvons juger les gens sur leur mine. Quand nous regardons quelqu’un de beau, nous croyons “savoir” que cette personne est également bonne!
Le désir de remodeler notre corps est devenu universel... Mais il remonte au siècle des Lumières! C’est ce siècle qui affirme que nous avons le droit de changer de nom, de position sociale et donc de façonner notre corps.
Les premiers clients de la chirurgie esthétique viennent de la classe moyenne. Pourquoi? Parce que cette classe a vu dans la chirurgie esthétique un moyen de grimper dans l’échelle sociale, d’obtenir un meilleur emploi, d’éliminer certains traits ethniques qui empêchaient son avancement. Le but de l’opération est de rendre la différence invisible.
Donnons-nous actuellement plus d’importance au physique dans notre jugement sur les gens? Nous avons toujours eu tendance à penser qu’une personne agréable à regarder était meilleure, plus intelligente, voire plus vertueuse.
Les critères de beauté changent plus souvent. Ma théorie est qu’il n’y a pas de nouveaux critères de beauté, il existe plutôt un consensus sur ce qui constitue la beauté à un moment donné: celle-ci est choisie dans un “catalogue” de modèles différents.
Pourtant, quand on regarde aujourd’hui les émissions de téléréalité, on a l’impression que tout le monde se ressemble. Ce ne sont pas les médias qui nous disent ce qui est “beau”. Le type de beauté que nous voyons à la télévision ne s’imposerait pas si le public n’y était pas ouvert: nous trouvons que quelque chose est beau, les médias l’évoquent et nous renvoient cette image. Nous nous confirmons donc dans notre idée.
Vous affirmez que celui qui ne se trouve pas “beau” est malheureux. Or, être malheureux, dans notre société, c’est comme être malade. Il faut donc le soigner. Quand on sera arrivé à la moitié du XXIe siècle, on ne vous demandera pas si vous avez subi une opération chirurgicale, on vous questionnera afin de savoir pourquoi vous n’en avez pas eu! Nous entrons dans un monde où l’on pourra modifier toutes les parties du corps. La chirurgie plastique sera moins lourde, moins chère, et donc encore plus populaire. Notre corps vieillit d’une manière indépendante de notre esprit. Le grand changement à venir, c’est la possibilité de changer notre corps afin qu’il soit en harmonie avec ce que nous ressentons. C’est notre nouveau droit.
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